Opening, mon premier show solo !
En janvier, lorsqu’un ami me demandait quelles étaient mes bonnes résolutions (et de lui avouer que je n’en avais pas prises), il me suggéra un premier show solo. Je ne pense pas que j’aurais osé en avoir moi-même l’idée, et pourtant le timing n’aurait pas pu être plus parfait : quelques mois plus tard, me prenait l’envie de partir pour de nouvelles aventures, faisant de cet été le moment idéal pour célébrer les premiers pas de mon parcours artistique ici à Londres.
Opening a été l’occasion de partager 90 pièces avec vous, depuis celles créées au tout début de ma pratique il y a quatre ans, aux dernières pièces terminées en dernière minute.
C’était la première fois que je pouvais partager les différentes variations de ma pratique : changements de médiums (huile, pastel, gouache et crayon), de surfaces et de formats (sur châssis ou chutes de lin, bois, céramique, livre et carnet de croquis) qui au final sont tous liés par des thèmes récurrents, des couleurs vibrantes, des expérimentations ludiques. Chaque pièce contenant de gros morceaux de mon cœur.
Le show approchant
Je vous ai déjà expliqué dans les newsletters avoir eu du mal à créer au cours des deux dernières années, parfois pendant des mois. En janvier j’ai commencé à me sentir mieux grâce à la thérapie mais je n’étais pas sûre de pouvoir me forcer avec cette nouvelle échéance, alors je me suis donnée permission de ne pas nécessairement créer de nouvelles œuvres si c’était trop dur et de simplement de présenter celles déjà nées.
Ne pas me donner une telle pression s’est avéré être très fertile, et après être revenue d’une retraite transformatrice en mai, j’ai senti un fort désir de peindre ! Je me suis débloquée avec quelques peintures sur lesquelles je travaillais et abandonnais depuis plus d’un an (Self-Portrait with a Friend et Among the Garbage and the Flowers), ainsi que quelques idées nouvelles pour lesquelles j’ai senti une urgence à explorer (The Fire) et d’autres explorations ludiques (voir les deux pièces en céramique ci-dessous).
Pourtant, deux semaines avant le spectacle, j’ai commencé à réaliser ce à quoi je m’étais engagée et je suis devenue très nerveuse, mon esprit était très fatigué et brumeux et je manquais de confiance. Les nouvelles peintures étaient très brutes, pleines de mes vulnérabilités et je ne pouvais plus les voir clairement, mon esprit remettait en question leur valeur et me remplissait de craintes illogiques. Je suis contente d’avoir pu remarquer que ces pensées surgissaient en moi tout en gardant une petite distance, en gardant à l’esprit qu’à la fin généralement tout se finit bien.
Merci beaucoup !
Je suis tellement reconnaissante pour le soutien que j’ai recu dans ces derniers moments difficiles ! Merci à chacun d’entre vous qui m’ont envoyé des pensées positives, cela m’a vraiment aidé à retrouver des perspectives !
Je suis aussi très reconnaissante d’avoir choisi de montrer à la galerie de Rod Kitson -travailler avec un collègue artiste compréhensif des difficultés par lesquelles je passais m’a fait me sentir vraiment en sécurité et je ne pense pas que j’aurais osé partager mon travail de cette façon dans un cadre différent.
Je n’aurais pas pu rêver de cette curation sans l’aide de mon amie Sara. Je savais que je pourrais lui faire entièrement confiance pour prendre soin de mon travail et de la meilleure façon de le présenter (je ne vais pas mentir, si c’était juste mon cerveau fatigué et inquiet j’aurais, au mieux fait un mauvais travail de curation, ou tout simplement tétanisé !).
De même pour le vernissage, c’était un sentiment très précieux de savoir que je pouvais compter sur mes amis pour prendre soin de tout - j’en ai de la chance !
Mes thèmes récurrents
En ce qui concerne la curation, je voulais vraiment rassembler les peintures à travers leurs thèmes et les mélanger indépendamment du moment où elles ont été créées. Cela m’a rendu incroyablement heureuse de redécouvrir comment des pièces de quelques années d’intervalle pouvaient résonner entre elles. Ce sont révélés des points de départ, des itérations et tangentes, ainsi que de nombreux motifs récurrents.
Sur la gauche en entrant, vous pouvez voir ma peinture la plus récente (Among the garbage and the flowers) suivie par d’autres pièces de mon imagination. Elles proviennent toutes du sommeil, des rêveries, des mondes intérieurs. Inutile de dire que c’est une partie de mon travail qui me tient à cœur, pour laquelle je n’ai pas souvent beaucoup de mots mais toujours beaucoup d’amour.
Plus loin sur ce mur étaient rassemblées de petites peintures d’observation, de modèles ou d’amis. Elles me ramènent au jour où elles ont été peintes, comme un journal.
Dans le coin rencontraient l’un de mes derniers tableaux (The Fire) et un portrait fait il y a trois ans de mon ami Elia - sur un format et un support similaires, on pouvait voir comment le langage a évolué : dans la peinture d’Elia il y avait beaucoup de premières graines qui ont depuis grandi et vont continuer de se développer.
Puis sur le mur arrière étaient accrochées d’autres observations quotidiennes. Séances avec modèle vivant, mon bateau, le paysage et des sessions plein air avec les amis. Sur l’étagère, je présentais une gamme de petits objets qui me tiennent à cœur : quelques peintures issues de mon imagination, des expérimentations sur céramique (voir ci-dessous), un livre fait à la main que j’ai illustré à l’encre et mon carnet de croquis concertina avec des souvenirs de l’été dernier.
Le mur suivant présentait la partie de ma pratique qui vient plus directement de mon enfance, utilisant les nombreuses photos de Kodak que mes parents ont prises comme points de départ pour la gouache ou les peintures à l’huile.
Ensuite, quelques œuvres un peu plus anciennes qui me tiennent beaucoup à coeur, souvenirs d’une personne ou d’un moment précieux, avec en particulier le portrait de Florencia, l’un des tout premiers tableaux où j’ai senti émerger ce qu’était mon langage personnel.
La curation s’est terminée par des autoportraits. Certaines de ces peintures ont été très thérapeutiques, en particulier les portraits de mes mains. Certaines sont plus comme de petites études ludiques explorant différentes palettes et points de vue, et témoignent d’humeur successives. Ici aussi, comme un journal intime.
Les nouvelles pièces
Among the Garbage and the Flowers,
huile et pastel sur lin 100x50cm
Le tableau est né d’un petit gribouillis au crayon, esquissé il y a peut-être un an, sur le thème de l’enfant intérieur, des pensées réparatrices et gestes apaisants. Mais en commencant à le peindre, je me suis vite sentie coincée, la pose était raide, le portrait défiant, les couleurs sombres: je n’étais pas encore prête à le peindre.
En Avril j’ai senti une envie de reprendre cette pièce. J’ai amorcé de grands changements dans la gestuelle, avant de partir deux semaines pour une retraite thérapeutique. Une fois de retour, j’ai senti avoir gagné des clés pour compléter ce tableau. Une grande partie de cela a été la confiance acquise pour suivre mon intuition sans la remettre en question ou me juger. Cela a également re-calibré la façon dont je pense mes mains dans mes peintures. J’écrivais dans la dernière newsletter : “Il y a cette chose embarrassante, de ne pas pouvoir m’utiliser comme référence d’une manière directe : je dois décider si oui ou non je donne à cette référence quelques doigts, si c’est un auto-portrait proclamé ou si je prétends peindre une parfaite étrangère. Je n’aime pas cette partie de mon processus.” J’ai réussi à libérer ce dilemme et à ne pas m’inquiéter des mains que je peins, et que je l’appelle autoportrait ou non, je ne veux plus avoir à prendre cette décision binaire.
Ajouter les fleurs, c’était comme souhaiter bonne chance au tableau, comme des offrandes. La création de cette pièce était difficile et vulnérable (tout venait de mon imagination, facile d’être sévèrement autocritique) alors j’ai senti que de tels amulettes m’aideraient à me sentir courageuse.
J’ai réalisé que cette peinture été la prolongation de mon tout premier autoportrait (And she shows you were to look) : des sentiments similaires de protection de soi et de soins pour les parties blessées et vulnérables. Mais cette fois, il y a une énergie plus calme, moins gardée et plus paisible. Les deux titres viennent de la chanson Suzanne de Leonard Cohen (qui a inspiré mon prénom). J’aime les pensées que ces deux tableaux sont en conversation et représentent une mesure visuelle du chemin parcouru au cours des quatre dernières années.
The Fire,
huile sur bois 60x60cm vendu
Cette peinture convoque un souvenir très précieux fait lors de ma retraite en mai, où j’ai été témoin de cette image surnaturelle. Le feu rayonnant à travers mon amie tandis qu’elle dansait me rappela une lueur semblable à un foetus, et toucha mon cœur au plus profond. Plus je me laissais absorber par le moment, plus les couleurs se révélaient. Les mots ne sont pas en mesure de transcrire ce que j’ai vécu donc je me suis sentie obligée de le peindre dès mon retour. Je l’ai d’abord fait avec un petit croquis à la gouache (ci-dessous).
Me basant sur des souvenirs et des sensations, je savais que je devais peindre cette pièce très rapidement, me précipitant avant que mon esprit critique n’essaie d’apporter trop de logique ou de craintes à ce processus.
Self-Portrait with a friend,
40x28cm huile sur lin £700
J’ai commencé à peindre sur cette toile il y a près de quatre ans (c’était un souvenir à court terme de mes mains après les avoir regardées pendant quelques heures tout en modelant, un peu triste de l’avoir recouvert). Quelques mois plus tard, j’y peignais un autoportrait (première image en bas), et c’est là que le petit ami en bas à gauche est apparu. Mais le portrait lui-même n’était pas satisfaisant et j’ai continué à essayer de le peindre, chaque session été finalement effacée et je devenais assez frustrée (deuxième à partir de la gauche ci-dessous).
Mais j’ai vraiment apprécié la façon dont la petite présence essayait de me tenir compagnie, je voulais lui rendre hommage. Donc, après une longue pause, je me suis finalement engagée à finir cet autoportrait au cours de quelques sessions le mois dernier. Cette fois encore, il y a eu de nombreux changements, mais cette fois, je me suis forcée de ne rien effacer, mais plutôt de construire des couches successives. Si vous cliquez sur la dernière image ci-dessous, vous aurez une idée de la texture.
Les autoportraits successifs ont traversé toutes sortes d’humeurs, comme j’essayais d’être fidèle à mon ressenti du moment. Par le passé j’ai eu l’habitude de ne peindre que quand je me sentais assez bien mentalement, mais à travers cette peinture j’ai réussi à pousser coûte que coûte en permettant à ces diverses émotions d’être exprimées. Je suis finalement très heureuse que ce tableau ait une fin et que je n’ai pas abandonné ce petit ami qui est apparu il y a quatre ans !
Mia Drama I (right)
oil on ceramic, 14x16x8cm sold
Je trouve beaucoup de joie à mixer mes surfaces. Quand je peins sur mes chutes de lin, j’aime le fait que ce n’est pas seulement l’image plate créée à travers les pigments qui compte, les peintures sont aussi ce qui existe dans l’espace 3d avec nous. Chaque pièce a une présence différente : certaines courbes, certaines restent plates, plus ou moins raides ou lourdes. Je voulais explorer cela davantage en faisant mes propres surfaces, en coupant une « feuille » d’argile et en la faisant se courber avant de la faire cuire.
Voici le premier projet que j’ai fait de cette façon. Évidemment, il se devait d’être d’après la peinture que j’avais fait de mon doudou il y a quelques années. Le voilà, peint à l’huile sur de la céramique faite à la main.
Window to Clapton (left)
oil on ceramic £120
Deuxième exploration dans cette technique, cette fois de la vue par la fenêtre de mon bateau. La céramique a rendu le processus très excitant, m’encourageant à jouer avec mes marques, permettant à la texture de la surface de passer au travers, et à sa courbe de jouer un rôle dans la composition.
Merci encore!
Je suis toujours sur mon petit nuage par le très bel accueil que mon show a recu, et émue par les conversations qui se sont déroulées tout au long. Ce qui m’a semblé le plus encourageant et le plus probant, c’est que l’ensemble de mon travail a réussi à interpeller une personne ou une autre. Dans le passé, je pensais que mes formats plus petits et tordus n’étaient pas suffisamment « sérieux » pour être montrés (même s’ils le sont dans mon cœur) et je suis très heureuse d’avoir eu tort!
Aussi, le dernier jour du show, j’ai eu 28 ans et croyez-moi, je n’aurais pas pu imaginer une meilleure façon de célébrer! Merci encore du fond du cœur à chacun de vous qui êtes venus ou qui ont envoyés leurs pensées.
Vous trouverez les 90 peintures dans le catalogue de l’exposition ici :)